Poursuivant ma réflexion erratique sur l'Autre, je note aujourd'hui que la question, complexe, a été faussée par des approches systémiques du problème qui en font un débat de valeurs à défendre ou à combattre à travers ce débat-même - une axiologie ou discours visant à justifier un ensemble de valeurs pré-existantes. Notre analyse de l'altérité est trop souvent biaisée par ce que nous pensons devoir penser de cette dernière. Nos imaginaires sont habités par ces "valeurs" culturelles, qui ne sont pas nécessairement thématisées et assumées per se, des sortes d'idéologèmes ou idées intégrées dans notre topique socio-culturelle, et qui structurent nuitamment nos discours et déterminent nos analyses. Par exemple, "il faut respecter l'autre", "il faut être ouvert d'esprit, ouvert à la découverte", "la diversité est source de richesse culturelle", "par le voyage, on peut s'enrichir grâce à la connaissance de nouvelles cultures", etc. - ou bien l'inverse encore!
Selon la société et la catégorie socio-culturelle dans laquelle on se trouve, on sera amené à considérer différemment la question de l'altérité. Et cela a au fond souvent très peu à voir avec la question philosophique de l'altérité en soi. Le rapport à autrui n'est pas une question binaire à laquelle on peut répondre par "pour" ou "contre". Elle ressort d'une dialectique subtile où une attitude "altruiste" peut cacher un paradoxe aboutissant à l'opposé du résultat escompté. C'est que les discours de l'Autre sont nés dans des conditions historiques précises, principalement celles des grandes découvertes et explorations qui ont accompagné l'expansion européenne et le colonialisme, du XVIe au XXe siècle, aboutissant au travail de l'anthropologie et de l'ethnologie, autour de figures comme Lévi-Strauss qui redonnent au Sauvage, au Primitif, au Barbare un statut, une légitimité, un droit de respect. Dans la longue et non aboutie histoire de la différence, ce mouvement qui bénéficie d'une certaine reconnaissance dans les années 1960 et 1970 est à l'origine de la vulgate humaniste qui dirige nos imaginaires occidentaux d'aujourd'hui : elle se résume dans ce mot d'ordre "il faut respecter autrui et la différence culturelle, et ne pas juger en prenant sa propre culture comme référent à valeur universelle". Ce leitmotiv fort sain et bien venu souhaitait promouvoir le décentrement du point de vue, afin de dé-européanocentrer le monde (et au passage le dé-anthropocentrer, le dé-logocentrer, etc.). Cela accompagnait de manière prémonitoire le monde qui arrivait et dans lequel nous vivons désormais, un monde post -ou hyper-moderne globalisé défini comme un monde multipolaire sans centre unique. Cet appel au décentrement et à la relativisation pour promouvoir la tolérance, à travers une certaine approche scientifique de l'altérité par les cultures "autres", a accouché malgré lui d'un relativisme culturel, promu en particulier par les cultural studies, là où il était le plus nécessaire, socio-culturellement parlant, à savoir dans les pays déjà multiculturels comme les États-Unis, le Brésil, etc. Ces cultural studies, accompagnent en fait, et malgré elles, l'impérialisme économique et culturel qui, en étendant son territoire, déploie en fait son être - qui est, comme l'analysait déjà Marx de manière prophétique, fondamentalement voué à se manifester dans la mondialisation. Cette vulgate relativiste culturelle est le terrain théorique nécessaire au néo-libéralisme pour se mondialiser. L'appel au respect des cultures autres du fait de leur droit à la différence sonne donc différemment il y a 50 ans et désormais. Quand les anthropologues des années 1950 et 1960 parlaient d'autrui, ils parlaient depuis des sociétés, les leurs, qui étaient encore fortement mono-culturelles ou qui pratiquaient encore, comme aux États-Unis, des formes d’apartheid rendant fort théoriques les pratiques du multiculturalisme. Ils parlaient d'autrui comme de celui qui habite loin de soi, qui habite dans son pays, sa région, sa classe, son ethnie - que l'on rencontre à l'occasion, mais pas cet autrui que l'on fréquente au quotidien. Or il y a une différence majeure. C'est une chose de vivre six mois dans un village d'Amazonie ou de Papouasie comme ethnographe, sachant que l'on va retourner vivre, étudier, enseigner, et aussi valoriser son séjour par la publication d'une monographie, là-bas, chez soi, au pays natal... Et c'en est une autre que de vivre au quotidien dans un environnement multiculturel (et ce n'est pas non plus une nouveauté de notre monde, loin de là) ou d'altérité radicale, pendant tout ou partie de sa vie, dans des contextes où les notions de minorité et de majorité sont bouleversées.
Ainsi le but premier de nos anthropologues s'est-il avec le temps trouvé quasi renversé, non dans ses intentions, mais dans ses résultats. Le relativisme servant de base à l'idéologie multiculturelle en vigueur de nos jours est devenu une manière subtile de consolider l'altérité de l'autre et de la figer, tout en lui reconnaissant le droit à cette altérité par le sacro-saint droit à la différence. C'est tout bonnement devenu un procédé qui objectivise l'altérité de l'autre, la radicalise sous le couvert du respect. Et peut-être qu'au fond, dans cette période de l'humanité où nous sommes amenés à frotter beaucoup plus qu'avant et de manière plus répétée nos différences culturelles les unes aux autres, ce multiculturalisme entendu comme un relativisme aliénant qui radicalise l'altérité, est-il une stratégie adaptative pour recréer de la distance, là où la proximité, ou plutôt la promiscuité, devenait difficile et douloureuse...?
Je reste persuadé que, d'un point de vue anthropologique, le réflexe diaïrétique (différenciation, séparation, distinction) est une des "catégories transcendantales" élémentaires de notre imaginaire qui témoigne d'une appétence forte pour le binaire, le dualisme, l'antagonisme, etc. Ce n'est pas la seule, bien sûr, mais une des plus fortes tendances archétypales, et celle qui est toujours réactivée quand le processus d'identité est en jeu - parce que le processus individuel d'identité est lui-même sous le régime de cette aliénation originelle qu'il faut régler par la différenciation (cf la dialectique du miroir). Il y a donc un instinct noétique de séparation et de distinction - comme le théorisait Steiner, le langage ne sert pas originellement à communiquer au plus grand nombre, mais à séparer des groupes parlant le même dialecte et cherchant à se distinguer par ce langage "ésotérique" ou exotérique aux autres groupes... N'en déplaise à un autre mythe structurant et fondateur de nos imaginaires, celui de l'universel et de l'unité du Même, nos appartenances culturelles reposent sur un processus identitaire dont la structure est fondamentalement diaïrétique. Il est donc normal que socialement, nous soyons plus prompts à pratiquer le rejet de l'Autre (en commençant par la thématisation d'autrui comme autre, début du rejet) que l'intégration dans le Même... On pourrait presque parler d'une aporétique de l'altérité...
Tout au moins, pour en venir là où je voulais, il faut bien reconnaître l'existence de régimes de l'altérité. Il y a des stratégies de l'altérité, une économie de l'altérité, une dialectique, une politique, un imaginaire, une ou des idéologie(s), une psychanalyse de l'altérité, et la question doit donc être abordée avec à l'esprit ce feuilletage complexe de la problématique.
Par exemple, il est devenu commun d'utiliser l'argument relativiste comme argument d'autorité lorsque des groupes se heurtent autour de pratiques culturelles - le port du voile, le sacrifice rituel, la consommation de viande de chien ou de foie gras, la corrida, etc. Ce qui ressort de ces débats, c'est la récupération et l'instrumentalisation du droit à la différence d'un point de vue politique, comme arme de pouvoir via le discours : cette référence à ce droit permet d'un point de vue argumentatif d'ôter le droit de réponse et jusqu'au droit de parole à l'interlocuteur. L'altérité de soi est alors cultivée face à l'autre pour justifier, voire imposer sa différence - ce qui importe, c'est avant tout d'utiliser cette différence dans le rapport antagonique afin de confirmer et solidifier son identité (son rapport au Même). On aboutit alors à une époché, ou suspension du jugement social. Les valeurs sont entre-annulées, puisqu'elles valent toutes la même chose. L'axe axiologique autrefois verticalisé (le bien-le mal - remarquer la dimension binaire elle aussi de cet axe) est euphémisé dans son horizontalité réduite à des équivalences relatives. Alors que les individus confrontés régulièrement à cette altérité culturelle, porteurs de valeurs précises (et parfois contradictoires, d'ailleurs), sont du côté de cette radicalisation de l'altérité afin de conserver leur identité sociale et culturelle, les élites intellectuelles, les institutions, certaines communautés, les médias souvent (mais pas toujours) ont tendance à promouvoir l'axe horizontal d'un multiculturalisme de bon aloi. D'où les divorces, les tensions, les frictions. D'un point de vue social, on assiste à d'une part une résurgence des valeurs antagonistes dans une même société, et à l'aplanissement de ces valeurs par cette même société. Le relativisme multiculturaliste ainsi pratiqué et utilisé aboutit à des clivages grandissant entre des individus de plus en plus confrontés à l'altérité culturelle et donc confirmés en permanence dans leur différence, plus conscients de cette dernière et de la spécificité de leurs valeurs (idéologèmes), et un discours institutionnel niant la valeur de ces valeurs en leur déniant toute hiérarchie. Ce clivage est ce qui définit, d'un point de vue psychosocial, la mondialisation. Quelques sociétés résistent, mais mal, à ce clivage, comme la France avec son fantasme de la République et de ses valeurs à intégrer pour être intégré (interculturalisme vs. multiculturalisme). La grande disparue officielle de l'hyper-modernité, c'est bien la valeur - pas étonnant donc qu'au niveau local, elle ne cesse de revenir sous des formes plus localisées, extrêmes, radicalisées...
Si l'on reconnaît l'importance du décentrement et du droit à la différence, du respect nécessaire que toute tradition doit recevoir en soi, il est important d'un point de vue sociétal de réintroduire la valeur comme hiérarchisation des pratiques au sein d'un groupe transcendant les intérêts individuels. Si notre destin est de vivre de plus en plus ensemble, la solution ne peut être trouvée dans le communautarisme qui aplanit les pratiques dans les relativisme pour finalement les radicaliser, tout comme il radicalise l'altérité culturelle. Tant que nous vivrons dans des sociétés elles-mêmes dirigées par des nations-états, il est vain de nier l'importance de valeurs transcendant la diversité du corps social pour le fonder comme corps - il est même risqué d'entretenir cette utopie. Tout n'est pas équivalent, dans ce domaine. Il faut donc se féliciter de la déconstruction de l'ancien universalisme, qui laisse des bases saines pour reconstruire de l'universel - même si celui-ci est voué à être plus relatif et plus local que par le passé!
Selon la société et la catégorie socio-culturelle dans laquelle on se trouve, on sera amené à considérer différemment la question de l'altérité. Et cela a au fond souvent très peu à voir avec la question philosophique de l'altérité en soi. Le rapport à autrui n'est pas une question binaire à laquelle on peut répondre par "pour" ou "contre". Elle ressort d'une dialectique subtile où une attitude "altruiste" peut cacher un paradoxe aboutissant à l'opposé du résultat escompté. C'est que les discours de l'Autre sont nés dans des conditions historiques précises, principalement celles des grandes découvertes et explorations qui ont accompagné l'expansion européenne et le colonialisme, du XVIe au XXe siècle, aboutissant au travail de l'anthropologie et de l'ethnologie, autour de figures comme Lévi-Strauss qui redonnent au Sauvage, au Primitif, au Barbare un statut, une légitimité, un droit de respect. Dans la longue et non aboutie histoire de la différence, ce mouvement qui bénéficie d'une certaine reconnaissance dans les années 1960 et 1970 est à l'origine de la vulgate humaniste qui dirige nos imaginaires occidentaux d'aujourd'hui : elle se résume dans ce mot d'ordre "il faut respecter autrui et la différence culturelle, et ne pas juger en prenant sa propre culture comme référent à valeur universelle". Ce leitmotiv fort sain et bien venu souhaitait promouvoir le décentrement du point de vue, afin de dé-européanocentrer le monde (et au passage le dé-anthropocentrer, le dé-logocentrer, etc.). Cela accompagnait de manière prémonitoire le monde qui arrivait et dans lequel nous vivons désormais, un monde post -ou hyper-moderne globalisé défini comme un monde multipolaire sans centre unique. Cet appel au décentrement et à la relativisation pour promouvoir la tolérance, à travers une certaine approche scientifique de l'altérité par les cultures "autres", a accouché malgré lui d'un relativisme culturel, promu en particulier par les cultural studies, là où il était le plus nécessaire, socio-culturellement parlant, à savoir dans les pays déjà multiculturels comme les États-Unis, le Brésil, etc. Ces cultural studies, accompagnent en fait, et malgré elles, l'impérialisme économique et culturel qui, en étendant son territoire, déploie en fait son être - qui est, comme l'analysait déjà Marx de manière prophétique, fondamentalement voué à se manifester dans la mondialisation. Cette vulgate relativiste culturelle est le terrain théorique nécessaire au néo-libéralisme pour se mondialiser. L'appel au respect des cultures autres du fait de leur droit à la différence sonne donc différemment il y a 50 ans et désormais. Quand les anthropologues des années 1950 et 1960 parlaient d'autrui, ils parlaient depuis des sociétés, les leurs, qui étaient encore fortement mono-culturelles ou qui pratiquaient encore, comme aux États-Unis, des formes d’apartheid rendant fort théoriques les pratiques du multiculturalisme. Ils parlaient d'autrui comme de celui qui habite loin de soi, qui habite dans son pays, sa région, sa classe, son ethnie - que l'on rencontre à l'occasion, mais pas cet autrui que l'on fréquente au quotidien. Or il y a une différence majeure. C'est une chose de vivre six mois dans un village d'Amazonie ou de Papouasie comme ethnographe, sachant que l'on va retourner vivre, étudier, enseigner, et aussi valoriser son séjour par la publication d'une monographie, là-bas, chez soi, au pays natal... Et c'en est une autre que de vivre au quotidien dans un environnement multiculturel (et ce n'est pas non plus une nouveauté de notre monde, loin de là) ou d'altérité radicale, pendant tout ou partie de sa vie, dans des contextes où les notions de minorité et de majorité sont bouleversées.
Ainsi le but premier de nos anthropologues s'est-il avec le temps trouvé quasi renversé, non dans ses intentions, mais dans ses résultats. Le relativisme servant de base à l'idéologie multiculturelle en vigueur de nos jours est devenu une manière subtile de consolider l'altérité de l'autre et de la figer, tout en lui reconnaissant le droit à cette altérité par le sacro-saint droit à la différence. C'est tout bonnement devenu un procédé qui objectivise l'altérité de l'autre, la radicalise sous le couvert du respect. Et peut-être qu'au fond, dans cette période de l'humanité où nous sommes amenés à frotter beaucoup plus qu'avant et de manière plus répétée nos différences culturelles les unes aux autres, ce multiculturalisme entendu comme un relativisme aliénant qui radicalise l'altérité, est-il une stratégie adaptative pour recréer de la distance, là où la proximité, ou plutôt la promiscuité, devenait difficile et douloureuse...?
Je reste persuadé que, d'un point de vue anthropologique, le réflexe diaïrétique (différenciation, séparation, distinction) est une des "catégories transcendantales" élémentaires de notre imaginaire qui témoigne d'une appétence forte pour le binaire, le dualisme, l'antagonisme, etc. Ce n'est pas la seule, bien sûr, mais une des plus fortes tendances archétypales, et celle qui est toujours réactivée quand le processus d'identité est en jeu - parce que le processus individuel d'identité est lui-même sous le régime de cette aliénation originelle qu'il faut régler par la différenciation (cf la dialectique du miroir). Il y a donc un instinct noétique de séparation et de distinction - comme le théorisait Steiner, le langage ne sert pas originellement à communiquer au plus grand nombre, mais à séparer des groupes parlant le même dialecte et cherchant à se distinguer par ce langage "ésotérique" ou exotérique aux autres groupes... N'en déplaise à un autre mythe structurant et fondateur de nos imaginaires, celui de l'universel et de l'unité du Même, nos appartenances culturelles reposent sur un processus identitaire dont la structure est fondamentalement diaïrétique. Il est donc normal que socialement, nous soyons plus prompts à pratiquer le rejet de l'Autre (en commençant par la thématisation d'autrui comme autre, début du rejet) que l'intégration dans le Même... On pourrait presque parler d'une aporétique de l'altérité...
Tout au moins, pour en venir là où je voulais, il faut bien reconnaître l'existence de régimes de l'altérité. Il y a des stratégies de l'altérité, une économie de l'altérité, une dialectique, une politique, un imaginaire, une ou des idéologie(s), une psychanalyse de l'altérité, et la question doit donc être abordée avec à l'esprit ce feuilletage complexe de la problématique.
Par exemple, il est devenu commun d'utiliser l'argument relativiste comme argument d'autorité lorsque des groupes se heurtent autour de pratiques culturelles - le port du voile, le sacrifice rituel, la consommation de viande de chien ou de foie gras, la corrida, etc. Ce qui ressort de ces débats, c'est la récupération et l'instrumentalisation du droit à la différence d'un point de vue politique, comme arme de pouvoir via le discours : cette référence à ce droit permet d'un point de vue argumentatif d'ôter le droit de réponse et jusqu'au droit de parole à l'interlocuteur. L'altérité de soi est alors cultivée face à l'autre pour justifier, voire imposer sa différence - ce qui importe, c'est avant tout d'utiliser cette différence dans le rapport antagonique afin de confirmer et solidifier son identité (son rapport au Même). On aboutit alors à une époché, ou suspension du jugement social. Les valeurs sont entre-annulées, puisqu'elles valent toutes la même chose. L'axe axiologique autrefois verticalisé (le bien-le mal - remarquer la dimension binaire elle aussi de cet axe) est euphémisé dans son horizontalité réduite à des équivalences relatives. Alors que les individus confrontés régulièrement à cette altérité culturelle, porteurs de valeurs précises (et parfois contradictoires, d'ailleurs), sont du côté de cette radicalisation de l'altérité afin de conserver leur identité sociale et culturelle, les élites intellectuelles, les institutions, certaines communautés, les médias souvent (mais pas toujours) ont tendance à promouvoir l'axe horizontal d'un multiculturalisme de bon aloi. D'où les divorces, les tensions, les frictions. D'un point de vue social, on assiste à d'une part une résurgence des valeurs antagonistes dans une même société, et à l'aplanissement de ces valeurs par cette même société. Le relativisme multiculturaliste ainsi pratiqué et utilisé aboutit à des clivages grandissant entre des individus de plus en plus confrontés à l'altérité culturelle et donc confirmés en permanence dans leur différence, plus conscients de cette dernière et de la spécificité de leurs valeurs (idéologèmes), et un discours institutionnel niant la valeur de ces valeurs en leur déniant toute hiérarchie. Ce clivage est ce qui définit, d'un point de vue psychosocial, la mondialisation. Quelques sociétés résistent, mais mal, à ce clivage, comme la France avec son fantasme de la République et de ses valeurs à intégrer pour être intégré (interculturalisme vs. multiculturalisme). La grande disparue officielle de l'hyper-modernité, c'est bien la valeur - pas étonnant donc qu'au niveau local, elle ne cesse de revenir sous des formes plus localisées, extrêmes, radicalisées...
Si l'on reconnaît l'importance du décentrement et du droit à la différence, du respect nécessaire que toute tradition doit recevoir en soi, il est important d'un point de vue sociétal de réintroduire la valeur comme hiérarchisation des pratiques au sein d'un groupe transcendant les intérêts individuels. Si notre destin est de vivre de plus en plus ensemble, la solution ne peut être trouvée dans le communautarisme qui aplanit les pratiques dans les relativisme pour finalement les radicaliser, tout comme il radicalise l'altérité culturelle. Tant que nous vivrons dans des sociétés elles-mêmes dirigées par des nations-états, il est vain de nier l'importance de valeurs transcendant la diversité du corps social pour le fonder comme corps - il est même risqué d'entretenir cette utopie. Tout n'est pas équivalent, dans ce domaine. Il faut donc se féliciter de la déconstruction de l'ancien universalisme, qui laisse des bases saines pour reconstruire de l'universel - même si celui-ci est voué à être plus relatif et plus local que par le passé!