Aujourd'hui, le soleil brille sur une mer magnifique qui pour la première fois révèle une palette de couleurs émeraude, turquoise et bleu nuit. Puis le temps tourne soudain, la houle apporte des nuages qui crèvent en une pluie battante. Les vagues sur la grève se cassent sans répis. Je travaille toute la journée. Vers 17h j'ai faim, je me cuisine des pâtes rizoni avec une sauce toute faite. Cela a l'aspect, l'odeur et le goût du vomis. Ce soir il y a un concert au pub que nous avons visité hier soir avec Alexander. Il veut y retourner mais je ne sais pas si j'ai vraiment envie. Ma grippe se mue en bronchite, je sens tomber le mal sur les poumons, même si je n'ai plus de fièvre et le nez moins pris. Il faut cependant que je sorte pour manger et me ravitailler. Alexander a l'air de craindre la pluie. Il dit toujours "je ferai ceci ou cela s'il ne pleut pas". Je lui ai fait remarquer qu'il était possible d'utiliser un parapluie. Il a réfléchi un instant, puis, comme si je venais de lui ouvrir une perspective nouvelle à laquelle il n'avait jamais pensé, il m'a dit : "oui, c'est vrai". Je crains que Nietszche n'ait jamais écrit d'aphorisme sur l'utilité des parapluies en cas de pluie...
Nous sommes donc sortis vers 20h30 et allés directement au pub. Je n'avais pas remarqué à quel point c'est un endroit charmant, avec ses murs saumon, bleu ciel, jaune pâle, ses moulures rouges et bleues. Les propriétaires découpaient des figures dans des magasines quand nous sommes arrivés pour en décorer les murs. Ces derniers sont occupés de mille objets, dont beaucoup d'instruments de musique du monde entier. Nous avons (mal) mangé dans une petite salle et bougé au bar pour écouter le concert. Quand le petit groupe de trois musiciens a entamé les chansons traditionnelles grecques, l'atmosphère a totalement changé, les nombreux clients de tous âges qui semblaient tous se connaître se sont comme concentrés, certains suivaient les paroles avec les lèvres, d'autres semblaient plus rêveurs, il y eut tout d'un coup dans la salle comme une onde de douceur. Ce fond de sonorité orientale apporté par cette étrange guitare, ce ryhtme saccadé si propre à la musique grecque... Je n'aurais jamais pensé pouvoir un jour apprécier cette musique, et pourtant soudain elle me paraissait belle, car elle était vivante, elle reliait des gens, elle faisait sens...
Alexander parle beaucoup de lui et de son roman. Ce qui me semble de plus en plus être la même chose... Nous sommes un peu dans la même situation, puisqu'il doit reprendre son manuscrit pour le raccourcir et le corriger, et que jusqu'à ce week-end je suis occupé à la même chose sur mon article Interfaces. Devoir revenir ainsi encore et encore sur un texte dont on s'est éloigné depuis longtemps et qui ne nous parle plus, j'ai dit à Alexander que c'était comme faire l'amour à quelqu'un que l'on n'aime plus. Ses yeux se sont éclairés et il a déclaré : "But, tis, I kan tou!". J'ai le sentiment qu'en terme d'amour charnel, il est prêt à tout en effet. Je crois qu'un mois de résidence ici l'ont un peu ébranlé affectivement.
Son héros est pris dans une relation triangulaire qui tourne mal, alors que sa relation intellectuelle avec Nietzsche devient de plus en plus envahissante dans sa vie réelle. Alexander voulait terminer le livre par une rupture à la fois avec la femme aimée et avec Nietzsche en faisant travailler son héros dans une maison de retraite. Je l'en ai dissuadé, son livre est nihiliste et tourne autour de l'obsession, il doit se terminer sur l'obsession, c'est-à-dire ne pas se terminer, par exemple finir sur une citation (puisque son livre est ironique et basé sur la structure de la citation) du début du livre, ou quelque chose du genre "éternel retour du même". Il a l'air d'avoir aimé la suggestion. Je lui ai alors suggéré d'autres possibilités plus amusantes. Comme son personnage est en dialogue permanent avec Nietzsche sur l'amour, la jalousie, la passion, etc., je lui ai proposé de faire comme si Nietzsche était avec nous. Nous avons décidé de l'appeler "Fritz" au lieu de Friedrich. Alexander a eu du mal au début. Il disait que Nietzsche, Fritz pardon, ne serait jamais rentré dans cette taverne bondée. Il aurait écouté la musique de dehors. J'ai appelé Fritz et lui ai dit de rentrer : "Tu viens ou non? On va pas t'attendre toute la soirée, merde!". Nous sommes les amis un peu lourds de Fritz, il n'a pas le choix puisqu'il traîne avec nous à Rhodes en hiver. Alexander a souri et a laissé une place à Fritz au bar. Je lui ai demandé ce qu'il buvait, une bière ou un verre de mauvais vin. Alexander penchait pour l'ouzo. Le patron a dû nous entendre parler de la liqueur locale, que nous remarquions dans des petites bouteilles transparentes avec bouchon de liège sur toutes les tables désormais. Il nous a offert deux verres. Il n'y en avait pas pour Fritz. Mais selon Alexander, Fritz aurait préféré un thé. J'aurais bien fait des cul-sec et pris un énorme cuite avec Nietzsche, mais le Fritz d'Alexander n'était pas un surhomme. Nous avons laissé tombé notre ami imaginaire, et nous sommes laissés aller à une rêverie en écoutant la musique. Vers minuit et demie, nous nous sommes levés, avons dit "Tu viens?" à Fritz, et sommes repartis dans la pluie vers le Centre.
Nous sommes donc sortis vers 20h30 et allés directement au pub. Je n'avais pas remarqué à quel point c'est un endroit charmant, avec ses murs saumon, bleu ciel, jaune pâle, ses moulures rouges et bleues. Les propriétaires découpaient des figures dans des magasines quand nous sommes arrivés pour en décorer les murs. Ces derniers sont occupés de mille objets, dont beaucoup d'instruments de musique du monde entier. Nous avons (mal) mangé dans une petite salle et bougé au bar pour écouter le concert. Quand le petit groupe de trois musiciens a entamé les chansons traditionnelles grecques, l'atmosphère a totalement changé, les nombreux clients de tous âges qui semblaient tous se connaître se sont comme concentrés, certains suivaient les paroles avec les lèvres, d'autres semblaient plus rêveurs, il y eut tout d'un coup dans la salle comme une onde de douceur. Ce fond de sonorité orientale apporté par cette étrange guitare, ce ryhtme saccadé si propre à la musique grecque... Je n'aurais jamais pensé pouvoir un jour apprécier cette musique, et pourtant soudain elle me paraissait belle, car elle était vivante, elle reliait des gens, elle faisait sens...
Alexander parle beaucoup de lui et de son roman. Ce qui me semble de plus en plus être la même chose... Nous sommes un peu dans la même situation, puisqu'il doit reprendre son manuscrit pour le raccourcir et le corriger, et que jusqu'à ce week-end je suis occupé à la même chose sur mon article Interfaces. Devoir revenir ainsi encore et encore sur un texte dont on s'est éloigné depuis longtemps et qui ne nous parle plus, j'ai dit à Alexander que c'était comme faire l'amour à quelqu'un que l'on n'aime plus. Ses yeux se sont éclairés et il a déclaré : "But, tis, I kan tou!". J'ai le sentiment qu'en terme d'amour charnel, il est prêt à tout en effet. Je crois qu'un mois de résidence ici l'ont un peu ébranlé affectivement.
Son héros est pris dans une relation triangulaire qui tourne mal, alors que sa relation intellectuelle avec Nietzsche devient de plus en plus envahissante dans sa vie réelle. Alexander voulait terminer le livre par une rupture à la fois avec la femme aimée et avec Nietzsche en faisant travailler son héros dans une maison de retraite. Je l'en ai dissuadé, son livre est nihiliste et tourne autour de l'obsession, il doit se terminer sur l'obsession, c'est-à-dire ne pas se terminer, par exemple finir sur une citation (puisque son livre est ironique et basé sur la structure de la citation) du début du livre, ou quelque chose du genre "éternel retour du même". Il a l'air d'avoir aimé la suggestion. Je lui ai alors suggéré d'autres possibilités plus amusantes. Comme son personnage est en dialogue permanent avec Nietzsche sur l'amour, la jalousie, la passion, etc., je lui ai proposé de faire comme si Nietzsche était avec nous. Nous avons décidé de l'appeler "Fritz" au lieu de Friedrich. Alexander a eu du mal au début. Il disait que Nietzsche, Fritz pardon, ne serait jamais rentré dans cette taverne bondée. Il aurait écouté la musique de dehors. J'ai appelé Fritz et lui ai dit de rentrer : "Tu viens ou non? On va pas t'attendre toute la soirée, merde!". Nous sommes les amis un peu lourds de Fritz, il n'a pas le choix puisqu'il traîne avec nous à Rhodes en hiver. Alexander a souri et a laissé une place à Fritz au bar. Je lui ai demandé ce qu'il buvait, une bière ou un verre de mauvais vin. Alexander penchait pour l'ouzo. Le patron a dû nous entendre parler de la liqueur locale, que nous remarquions dans des petites bouteilles transparentes avec bouchon de liège sur toutes les tables désormais. Il nous a offert deux verres. Il n'y en avait pas pour Fritz. Mais selon Alexander, Fritz aurait préféré un thé. J'aurais bien fait des cul-sec et pris un énorme cuite avec Nietzsche, mais le Fritz d'Alexander n'était pas un surhomme. Nous avons laissé tombé notre ami imaginaire, et nous sommes laissés aller à une rêverie en écoutant la musique. Vers minuit et demie, nous nous sommes levés, avons dit "Tu viens?" à Fritz, et sommes repartis dans la pluie vers le Centre.